Décryptage : le TAIPEI Act entre en vigueur après la signature du président Donald Trump

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John R. Curtis, membre de la Chambre des représentants des Etats-Unis, est un des initiateurs du TAIPEI Act, entré en vigueur le mercredi 26 mars 2020. (Image : CNA)

Le président américain Donald Trump a ratifié, mercredi 26 mars, le TAIPEI Act (Taiwan Allies International Protection and Enhancement Initiative Act) après son adoption adoptée à l’unanimité par la Chambre des représentants le 4 mars, suivie du Sénat le 11 mars dernier.

L’entrée en vigueur du TAIPEI Act, dont l’objectif est d’ « exprimer le soutien des Etats-Unis aux alliances diplomatiques de Taiwan à travers le monde » en dissuadant les alliés restants de Taiwan de déserter en faveur de Pékin, a été saluée par la présidente taiwanaise Tsai Ing-wen (蔡英文), qui estime que la signature du texte par Trump reflète « la coopération continue de Taiwan avec les Etats-Unis et les autres pays partageant les mêmes valeurs » et donne à Taiwan « plus de latitude diplomatique pour contribuer à la communauté internationale ».

Inutile donc de préciser que la signature de cette proposition de loi, initiée par le président du groupe Asie-Pacifique de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain Cory Gardner et John Curtis, membre de la chambre des représentants, a été accueillie très chaleureusement par le gouvernement taiwanais. Le porte-parole de la présidence Huang Chung-yan (黃重諺) s’est d’ailleurs empressé de rappeler que les Etats-Unis étaient « le partenaire le plus important de Taiwan ».

Le gouvernement taiwanais avait déjà affirmé que les relations taiwano-américaines n’avaient jamais été aussi bonnes. Il faut dire qu’avec l’accroissement de la pression chinoise sur Taiwan, dont le revirement diplomatique des pays alliés de Taiwan en faveur de la Chine ne constitue qu’une facette parmi d’autres, a poussé Washington a multiplier à la fois les textes de loi affichant un soutien à Taiwan et les passages de navires ou d’avions militaires américains dans le détroit de Taiwan, comme cela a d’ailleurs pu être observé à deux reprises cette semaine.

Le TAIPEI Act, dans sa Section 2 a) 4), constate d’ailleurs l’accentuation de cette pression depuis l’élection de la présidente Tsai Ing-wen en 2016. Le texte rappelle également que depuis cette date, Taiwan a perdu pas moins de huit alliés diplomatiques, à savoir la Gambie, Sao Tomé-et-Principe, le Panama, la République dominicaine, le Burkina Faso, le Salvador, les îles Salomon et l’archipel des Kiribati.

Le TAIPEI Act affirme ainsi que la politique de Washington consiste à « maintenir la capacité des Etats-Unis à résister à tout usage de la force ou à toute forme de coercition qui menacerait la sécurité ou le système économique et social de la population taiwanaise ».

Pour les parlementaires américains, la nouvelle loi est un signal fort envoyé par les Etats-Unis, le texte demandant au Département d’État américain de « réduire ses engagements économiques, sécuritaires et diplomatiques » envers les pays selon que ces derniers « renforcent, dégradent ou rompent leur relation avec Taiwan ».

Inversement, l’ « Avis du Congrès » (non contraignant) est que le gouvernement doit « considérer l’accroissement de son engagement diplomatique, sécuritaire et économique avec les pays qui ont démontré un renforcement, une amélioration ou une augmentation de leurs relations avec Taiwan ».

Si la ratification n’a pour l’instant pas suscité de réaction du côté chinois, on peut toutefois imaginer qu’elle irrite Pékin au plus haut point, le porte-parole des Affaires étrangères chinois Zhao Lijian (赵立坚) ayant déjà qualifié le TAIPEI Act de « sévère violation du principe d’une seule Chine ».

D’autant plus que récemment, les Etats-Unis ont adopté plusieurs textes en faveur de Taiwan (Asia Reassurance Initiative Act of 2018, Taiwan Travel Act en 2019, …) ou allant contre les intérêts chinois dans les régions autonomes du Tibet et du Xinjiang ces derniers mois.

Et pourtant, déjà des voix s’élèvent pour relativiser l’impact de cette nouvelle loi. The Diplomat a par exemple parlé le « vœu pieu ». Le magazine fait très justement remarquer que la loi reflète l’approche de « la carotte et du bâton » des parlementaires américains pour contrer la pression chinoise exercée sur Taiwan. Une approche d’autant plus ironique que le gouvernement américain lui-même reconnaît le « principe d’une seule Chine » imposé par Pékin depuis l’établissement des relations sino-américaines, dans les années 1970, au détriment de la République de Chine.

Il est en effet raisonnable de douter, sinon de la prise de mesures, de leur effet de dissuasion sur les 15 alliés restants de Taiwan, d’autant plus qu’un désengagement des Etats-Unis dans ces pays pourrait s’opposer directement aux intérêts géopolitiques de Washington, notamment dans la région du Pacifique où des puissances régionales comme la Nouvelle-Zélande, l’Australie ou encore le Japon affichent, eux, une volonté de présence accrue face à l’influence chinoise.

Il est ainsi possible que l’amendement ajouté par le Sénat, qui inclut d’entreprendre des négociations avec Taiwan en vue de la signature d’un accord de libre échange – mention qu’espérait fortement le gouvernement taiwanais, soit la mesure qui se révèlera la plus concrète pour Taiwan, qui cherche à renforcer ses coopérations économiques et exportations à l’international afin de réduire sa dépendance économique vis-à-vis de la Chine.

L’avenir proche permettra sans doute de savoir à quoi s’en tenir : le TAIPEI Act précise que le Secrétaire d’Etat américain devra présenter un rapport devant différentes commissions du Sénat et de la Chambre des représentants moins d’un an après l’entrée en vigueur du texte, suivi d’un nouveau rapport annuel, des rapports qui viendront rendre compte des mesures qui auront été prises conformément au texte. Enfin, les nouvelles ruptures diplomatiques éventuelles, car si le premier mandat de Tsai en a enregistré huit, on peut penser que d’autres arriveront, montreront si oui ou non le TAIPEI Act est suffisamment dissuasif.

Le texte du TAIPEI Act est disponible sur le site internet du Congrès américain (lien ici).